samedi 6 février 2016

Interview du mois de l'amour : @MagenaSuret

- Bonjour Magena. Pouvez-vous vous présenter pour ceux qui ne vous connaissent pas ?

Bonjour ! Je suis Magena, j’ai 34 ans et j’écris quand mon boulot ou mes 3 enfants m’en laissent le temps.
J’ai beaucoup écrit quand j’étais lycéenne, avec une amie complice de crime. À l’époque, j’écrivais du noir, du fantastique et une sorte de fanfic des Goonies… J’ai mis de côté mon imagination quand j’ai commencé à travailler.
Puis j’ai découvert les mangas yaoi en 2007 et fanfiction.net peu après. J’ai publié ma première fanfiction sur le fandom Naruto en 2009. J’ai découvert une communauté très riche, participé à des défis et rencontré des gens formidables. Je me suis aussi beaucoup amusée avec les personnages et les univers d’autres auteurs avant de recommencer à créer les miens.
Fin 2013, j’ai passé le cap de répondre à un appel à textes. J’ai depuis publié des nouvelles dans la collection « Osez 20 histoires » de La Musardine (du F/M), une dans un recueil chez Reines-Beaux et la dernière aux Éditions Láska (toutes deux du M/M).



- Vous êtes une auteur aussi bien de F/M, du F/M/M que de M/M ou du M/M/M. Quels sont les points communs et les différences entre les deux dans le processus d'écriture pour vous ?
 Il y a surtout des points communs : quand je me lance dans une histoire, c’est parce qu’il y a un thème que je veux aborder, une scène que je veux écrire ou une dynamique que je veux étudier. Je me pose aussi la question de l’intérêt en fonction de l’environnement ou des enjeux. Le genre des participants ne se décide donc souvent qu’après avoir réfléchi à l’intrigue dans sa globalité.
Que j’écrive de l’hétéro, du M/M, sur un couple ou sur un threesome, je veille surtout à travailler la psychologie de mes personnages, leurs motivations, leurs réactions, leurs buts. Les genres ne sont pas forcément interchangeables parce qu’il y a des subtilités, mais je ne pense pas qu’il y ait non plus un si grand écart entre les hommes et les femmes, peu importe leur identité ou leur sexualité.

En ce qui concerne les différences dans le processus d’écriture, l’évidence, c’est le vocabulaire que je vais employer.
J’essaie aussi d’éviter la facilité des clichés ou des stéréotypes. En romance ou en érotisme, les clichés font souvent partie de ce qu’attendent les lecteurs mais, en tant que lectrice, j’aime être surprise, les voir détournés ou inversés (j’écris pour me faire plaisir, en fait). Quant aux stéréotypes, j’en joue occasionnellement parce qu’ils peuvent représenter une réalité, mais c’est plus amusant de les démonter.
(et mon historique de recherches varie aussi beaucoup selon ce que j’écris !)


- J'ai vu que vous participiez au NaNoWriMo. Est-ce que vous pouvez nous expliquer ce que vous appréciez dans cet exercice et qu'est-ce que ça vous apporte en tant qu'auteur ? 
De l’humilité face à l’échec ?
Plus sérieusement, je suis inscrite au NaNoWriMo depuis 2011 et je n’ai jamais atteint les 50 000 mots. C’est encore le cas cette année (je finis en validant 34 936 mots et c’est beau !). Je me réinscrirai en 2016, même si je ne fais pas d’illusions sur le résultat.
En général, l’arrivée de novembre me pousse à faire le point sur mes projets : ce qui est en cours, ce qui me tente, ce qui me bloque… Pour cette année, l’idée était d’écrire sur un nouveau projet assez simple pour respirer : depuis janvier, je n’ai fait que des corrections et réécritures, j’avais besoin de créer quelque chose de nouveau.
Le compteur et les stats donnent aussi envie de s'y mettre un peu tous les jours parce que c'est facile, au quotidien, de reléguer l'écriture au superflu et de rester longtemps sans ouvrir un fichier Word (ou un carnet). Et il y a l’effet de groupe qui motive : je ne suis pas très active sur les forums, mais j’ai plusieurs amies qui participent aussi, ça fait plaisir de s’encourager mutuellement.


- Vous avez été auteur de fanfiction pendant plusieurs années. Qu'est-ce qui vous a poussé à vous tourner vers l'édition classique et qu'est-ce que cela vous apporte en plus ? 
Avant d'écrire de la fanfiction, j'ai écrit des histoires originales, sans jamais les publier ni les faire lire. La fanfiction m’a permis de partager, de me faire plaisir au sein d'une communauté, d’avoir mes premiers retours… C'est vraiment une expérience enrichissante et peut-être qu'un fandom me fera replonger un jour. 
En attendant, l’envie d’écrire avec mes propres personnages ne m'a jamais quittée : mon expérience dans la fanfiction et la publication sur le net m’ont beaucoup appris, mais j'avais envie d'aller encore plus loin. J’ai des projets en attente depuis des années et je n'ai pas les compétences pour raconter ces histoires comme je l'aimerais. 
L’édition classique, avec les corrections éditoriales, me semble être le meilleur moyen, pour moi, d'en apprendre plus. C’est vraiment cette envie de progresser qui m’a orientée dans cette direction.


- Vous avez un nouveau projet "We need more safe sex", avec Valéry K. Baran. Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment est apparu ce projet et en quoi il consiste ?
 Le projet est une idée de Valéry : comme j’étais intéressée et qu’on se connaît depuis quelques années maintenant, elle m’a proposé de le co-administrer avec elle.
Il est né d’un constat : la pratique du safe sex dans la romance ou l’érotisme (en contemporain) est assez marginale. En F/M, l’utilisation du préservatif ne sert qu’à prévenir un risque de grossesse ; en M/M, la question du consentement est souvent négligée… Les exemples sont nombreux et banalisent certaines choses qui peuvent être graves dans la réalité.
Il est vrai que la fiction est là pour faire rêver, mais je pense qu’on peut associer un message positif au charme ou à la sensualité d’une histoire d’amour.
Je pense que notre expérience en fanfiction nous a aidées à prendre du recul à ce sujet : on a la chance d’avoir des relations privilégiées avec nos lecteurs. J’ai appris que des jeunes filles de 13 ou 14 ans lisaient mes scènes de sexe, qu’elles trouvaient des réponses à leurs questions sur la sexualité ou les relations amoureuses dans d’autres fanfics. Quand on a en tête qu’on peut avoir un tel lectorat, il y a de quoi se sentir responsable de ce qu’on écrit.

Le but du projet est de permettre l’échange : la question du safe sex reste mal vue par certains auteurs, qui ont l’impression qu’on les force à entrer dans un moule, ou par certains lecteurs, qui pensent qu’on va brimer leur plaisir avec des gestes techniques.
Le projet existe plutôt pour les auteurs qui voudraient incorporer davantage de safe sex sans savoir comment s’y prendre ; pour donner des pistes de réflexion ; pour laisser la parole aux lecteurs. Il ne s’agit pas de stigmatiser les livres qui n’abordent pas le safe sex, mais de sensibiliser à son usage et d’accompagner ceux qui le souhaitent. Il nous semblait important de montrer qu’on n’est pas obligé de suivre un cahier des charges pour parler de safe sex : une simple mention ou même une note d’auteur peut suffire.
Sur le blog, on retrouve des articles sur différents thèmes, des extraits pour illustrer le safe sex dans les publications et des témoignages soumis par des lecteurs et/ou des auteurs.
La page Facebook et le Twitter en sont le reflet, agrémentés de partages d’articles qu’on a jugés intéressants. Sur le groupe Facebook, on trouve aussi des débats et des discussions.


- Si vous deviez donner un conseil pour avoir plus de "safe sex" dans les écrits fictionnels, quels seraient-ils ?
 Être curieux.
On ne peut pas écrire sur n’importe quel sujet sans avoir fait un minimum de recherches : c’est le même principe avec le safe sex. Ce n’est pas inné. Si on ne s’y intéresse pas, on ne pourra pas l’exploiter dans une fiction.
Je suis persuadée que, pour la plupart des auteurs, on reproduit d’abord ce qu’on lit, surtout dans les genres très codés. Dans les romances, qu’elles soient hétéros, lesbiennes ou gays, il existe beaucoup de codes et c’est naturel de les assimiler, puis de les utiliser dans ses propres histoires. Il faut apprivoiser les codes, les enrichir de nos connaissances ou de notre expérience pour, peut-être, en créer de nouveaux, plus adaptés à notre époque.

La pratique du safe sex n’est pas l’usage parce qu’elle reste minoritaire mais, si un jeune auteur lit 80% d’histoires où les personnages pratiquent le safe sex, je pense qu’il reproduira naturellement le schéma dans ses écrits.


- Votre projet "we need more safe sex" est inspiré du projet américain "we need diversity book". Certains auteurs pensent que ce n'est pas nécessaire d'avoir des personnages qui ne soient pas blancs, hétéro et cis, d'autres que ce sont des contraintes inutiles car ils jugent la personne blanche hétéro cis comme étant une représentation universelle de l'être humain et d'autres, enfin, jugent que c'est absolument essentiel pour que tous puissent s'identifier, se reconnaitre dans les oeuvres de fiction. Qu'en pensez-vous, personnellement ?
Je vais être honnête : quand j’ai commencé à écrire, au lycée, je ne pensais même pas que ça pouvait être une problématique pour qui que ce soit. Mes personnages étaient tous blancs, hétéros et cis, mes héroïnes toujours en détresse et dépendaient du héros pour les sauver et les aimer… Pourtant, je me rends compte que ça n’aurait pas dû me paraître naturel : ce n’était pas du tout représentatif de ma réalité.
Quand j’ai commencé à écrire de la fanfic, c’était sur un manga avec des personnages de toutes origines. La diversité s’est imposée. Quant à la sexualité, en fanfic, je n’ai fait que du M/M et du F/F, j’avais donc abandonné le modèle hétéro.
Avec le temps, je fais de moins en moins de descriptions physiques de mes personnages : je leur donne des caractéristiques avec des manies, des signes distinctifs parfois, mais de moins en moins d’informations sur la couleur des yeux ou des cheveux. Pour quelques nouvelles, j’ai choisi des prénoms à consonance maghrébine, portugaise ou espagnole ; pour d’autres, des prénoms « passe-partout » : ainsi, chaque lecteur est libre d’imaginer les personnages à l’image qu’il préfère. Je trouve que c’est un bon compromis.

En tant que lectrice, je m’intéresse beaucoup à la distinction entre l’orientation sexuelle et l’orientation romantique, à la question du genre et aux couples très peu représentés dans les romances. Il est rare de voir des relations mixtes (par la culture, la religion ou les origines), des relations où la femme est plus âgée que son partenaire, des relations BDSM où la femme est dominante, des relations avec l’un des partenaires souffrant d’un handicap ou d’une maladie… Lorsqu’un roman ou une fanfic aborde ces thèmes, je suis facilement tentée.
En dehors de la romance aussi, je trouve que c’est important d’avoir cette diversité, notamment pour les enfants. Au-delà de pouvoir s’identifier aux personnages pour les enfants qui ne rentreraient pas dans la représentation « universelle », il y a aussi un enjeu d’éducation pour ceux qui sont blancs, hétéros, cis, valides…



- Enfin, pour finir, parlons de rêves d'auteurs. Si vous deviez avoir un rêve fou en terme d'écriture, un rêve que vous pensez impossible à réaliser, lequel serait-ce ?


J’ai plein de réponses pour cette question ! Mais si je ne dois choisir qu’un rêve, ce serait écrire un best-seller qui serait adapté au cinéma (pas d’auteur, mais un vrai blockbuster à l’américaine).

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