- Bonjour Magena. Pouvez-vous vous présenter pour ceux qui
ne vous connaissent pas ?
Bonjour ! Je suis Magena, j’ai 34 ans et j’écris quand
mon boulot ou mes 3 enfants m’en laissent le temps.
J’ai beaucoup écrit quand j’étais lycéenne, avec une amie
complice de crime. À l’époque, j’écrivais du noir, du fantastique et une sorte
de fanfic des Goonies… J’ai mis de côté mon imagination quand j’ai commencé à
travailler.
Puis j’ai découvert les mangas yaoi en 2007 et
fanfiction.net peu après. J’ai publié ma première fanfiction sur le fandom
Naruto en 2009. J’ai découvert une communauté très riche, participé à des défis
et rencontré des gens formidables. Je me suis aussi beaucoup amusée avec les
personnages et les univers d’autres auteurs avant de recommencer à créer les
miens.
Fin 2013, j’ai passé le cap de
répondre à un appel à textes. J’ai depuis publié des nouvelles dans la
collection « Osez 20 histoires » de La Musardine (du F/M), une dans
un recueil chez Reines-Beaux et la dernière aux Éditions Láska (toutes deux du
M/M).
- Vous êtes une auteur aussi bien de F/M, du F/M/M que de
M/M ou du M/M/M. Quels sont les points communs et les différences entre les
deux dans le processus d'écriture pour vous ?
Il y a surtout des points communs : quand je me
lance dans une histoire, c’est parce qu’il y a un thème que je veux aborder,
une scène que je veux écrire ou une dynamique que je veux étudier. Je me pose
aussi la question de l’intérêt en fonction de l’environnement ou des enjeux. Le
genre des participants ne se décide donc souvent qu’après avoir réfléchi à
l’intrigue dans sa globalité.
Que j’écrive de l’hétéro, du M/M, sur un couple ou sur un
threesome, je veille surtout à travailler la psychologie de mes personnages,
leurs motivations, leurs réactions, leurs buts. Les genres ne sont pas
forcément interchangeables parce qu’il y a des subtilités, mais je ne pense pas
qu’il y ait non plus un si grand écart entre les hommes et les femmes, peu
importe leur identité ou leur sexualité.
En ce qui concerne les différences dans le processus d’écriture,
l’évidence, c’est le vocabulaire que je vais employer.
J’essaie aussi d’éviter la facilité des clichés ou des
stéréotypes. En romance ou en érotisme, les clichés font souvent partie de ce
qu’attendent les lecteurs mais, en tant que lectrice, j’aime être surprise, les
voir détournés ou inversés (j’écris pour me faire plaisir, en fait). Quant aux
stéréotypes, j’en joue occasionnellement parce qu’ils peuvent représenter une
réalité, mais c’est plus amusant de les démonter.
(et mon historique de recherches varie aussi beaucoup selon
ce que j’écris !)
- J'ai vu que vous participiez au NaNoWriMo. Est-ce que vous
pouvez nous expliquer ce que vous appréciez dans cet exercice et qu'est-ce que
ça vous apporte en tant qu'auteur ?
De l’humilité face à l’échec ?
Plus sérieusement, je suis inscrite au NaNoWriMo depuis 2011
et je n’ai jamais atteint les 50 000 mots. C’est encore le cas cette année
(je finis en validant 34 936 mots et c’est beau !). Je me réinscrirai
en 2016, même si je ne fais pas d’illusions sur le résultat.
En général, l’arrivée de novembre me pousse à faire le point
sur mes projets : ce qui est en cours, ce qui me tente, ce qui me bloque…
Pour cette année, l’idée était d’écrire sur un nouveau projet assez simple pour
respirer : depuis janvier, je n’ai fait que des corrections et
réécritures, j’avais besoin de créer quelque chose de nouveau.
Le compteur et les stats donnent aussi envie de s'y mettre
un peu tous les jours parce que c'est facile, au quotidien, de reléguer
l'écriture au superflu et de rester longtemps sans ouvrir un fichier Word (ou
un carnet). Et il y a l’effet de groupe qui motive : je ne suis pas très active
sur les forums, mais j’ai plusieurs amies qui participent aussi, ça fait
plaisir de s’encourager mutuellement.
- Vous avez été auteur de fanfiction pendant plusieurs
années. Qu'est-ce qui vous a poussé à vous tourner vers l'édition classique et
qu'est-ce que cela vous apporte en plus ?
Avant d'écrire de la fanfiction, j'ai écrit des histoires
originales, sans jamais les publier ni les faire lire. La fanfiction m’a
permis de partager, de me faire plaisir au sein d'une communauté, d’avoir mes
premiers retours… C'est vraiment une expérience enrichissante et peut-être
qu'un fandom me fera replonger un jour.
En attendant, l’envie d’écrire avec mes propres
personnages ne m'a jamais quittée : mon expérience dans la fanfiction et la
publication sur le net m’ont beaucoup appris, mais j'avais envie d'aller encore
plus loin. J’ai des projets en attente depuis des années et je n'ai pas les
compétences pour raconter ces histoires comme je l'aimerais.
L’édition classique, avec les corrections éditoriales, me
semble être le meilleur moyen, pour moi, d'en apprendre plus. C’est vraiment
cette envie de progresser qui m’a orientée dans cette direction.
- Vous avez un nouveau projet "We need more safe
sex", avec Valéry K. Baran. Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment
est apparu ce projet et en quoi il consiste ?
Le projet est une idée de Valéry : comme j’étais
intéressée et qu’on se connaît depuis quelques années maintenant, elle m’a
proposé de le co-administrer avec elle.
Il est né d’un constat : la pratique du safe sex dans
la romance ou l’érotisme (en contemporain) est assez marginale. En F/M,
l’utilisation du préservatif ne sert qu’à prévenir un risque de
grossesse ; en M/M, la question du consentement est souvent négligée… Les
exemples sont nombreux et banalisent certaines choses qui peuvent être graves
dans la réalité.
Il est vrai que la fiction est là pour faire rêver, mais je
pense qu’on peut associer un message positif au charme ou à la sensualité d’une
histoire d’amour.
Je pense que notre expérience en fanfiction nous a aidées à
prendre du recul à ce sujet : on a la chance d’avoir des relations
privilégiées avec nos lecteurs. J’ai appris que des jeunes filles de 13 ou 14
ans lisaient mes scènes de sexe, qu’elles trouvaient des réponses à leurs
questions sur la sexualité ou les relations amoureuses dans d’autres fanfics.
Quand on a en tête qu’on peut avoir un tel lectorat, il y a de quoi se sentir
responsable de ce qu’on écrit.
Le but du projet est de permettre l’échange : la
question du safe sex reste mal vue par certains auteurs, qui ont l’impression
qu’on les force à entrer dans un moule, ou par certains lecteurs, qui pensent
qu’on va brimer leur plaisir avec des gestes techniques.
Le projet existe plutôt pour les auteurs qui voudraient
incorporer davantage de safe sex sans savoir comment s’y prendre ; pour
donner des pistes de réflexion ; pour laisser la parole aux lecteurs. Il
ne s’agit pas de stigmatiser les livres qui n’abordent pas le safe sex, mais de
sensibiliser à son usage et d’accompagner ceux qui le souhaitent. Il nous
semblait important de montrer qu’on n’est pas obligé de suivre un cahier des
charges pour parler de safe sex : une simple mention ou même une note
d’auteur peut suffire.
Sur le blog, on retrouve des articles sur différents thèmes,
des extraits pour illustrer le safe sex dans les publications et des
témoignages soumis par des lecteurs et/ou des auteurs.
La page Facebook et le Twitter en sont le reflet, agrémentés
de partages d’articles qu’on a jugés intéressants. Sur le groupe Facebook, on
trouve aussi des débats et des discussions.
- Si vous deviez donner un conseil pour avoir plus de
"safe sex" dans les écrits fictionnels, quels seraient-ils ?
Être curieux.
On ne peut pas écrire sur n’importe quel sujet sans avoir
fait un minimum de recherches : c’est le même principe avec le safe sex.
Ce n’est pas inné. Si on ne s’y intéresse pas, on ne pourra pas l’exploiter
dans une fiction.
Je suis persuadée que, pour la plupart des auteurs, on
reproduit d’abord ce qu’on lit, surtout dans les genres très codés. Dans les
romances, qu’elles soient hétéros, lesbiennes ou gays, il existe beaucoup de
codes et c’est naturel de les assimiler, puis de les utiliser dans ses propres
histoires. Il faut apprivoiser les codes, les enrichir de nos connaissances ou
de notre expérience pour, peut-être, en créer de nouveaux, plus adaptés à notre
époque.
La pratique du safe sex n’est pas l’usage parce qu’elle reste
minoritaire mais, si un jeune auteur lit 80% d’histoires où les personnages
pratiquent le safe sex, je pense qu’il reproduira naturellement le schéma dans
ses écrits.
-
Votre projet "we need more safe sex" est inspiré du projet américain
"we need diversity book". Certains auteurs pensent que ce n'est pas nécessaire d'avoir
des personnages qui ne soient pas blancs, hétéro et cis, d'autres que ce sont
des contraintes inutiles car ils jugent la personne blanche hétéro cis comme
étant une représentation universelle de l'être humain et d'autres, enfin,
jugent que c'est absolument essentiel pour que tous puissent s'identifier, se
reconnaitre dans les oeuvres de fiction. Qu'en pensez-vous, personnellement ?
Je vais être honnête : quand j’ai commencé à écrire, au
lycée, je ne pensais même pas que ça pouvait être une problématique pour qui
que ce soit. Mes personnages étaient tous blancs, hétéros et cis, mes héroïnes
toujours en détresse et dépendaient du héros pour les sauver et les aimer…
Pourtant, je me rends compte que ça n’aurait pas dû me paraître naturel :
ce n’était pas du tout représentatif de ma réalité.
Quand j’ai commencé à écrire de la fanfic, c’était sur un
manga avec des personnages de toutes origines. La diversité s’est imposée.
Quant à la sexualité, en fanfic, je n’ai fait que du M/M et du F/F, j’avais
donc abandonné le modèle hétéro.
Avec le temps, je fais de moins en moins de descriptions
physiques de mes personnages : je leur donne des caractéristiques avec des
manies, des signes distinctifs parfois, mais de moins en moins d’informations
sur la couleur des yeux ou des cheveux. Pour quelques nouvelles, j’ai choisi
des prénoms à consonance maghrébine, portugaise ou espagnole ; pour
d’autres, des prénoms « passe-partout » : ainsi, chaque lecteur
est libre d’imaginer les personnages à l’image qu’il préfère. Je trouve que
c’est un bon compromis.
En tant que lectrice, je m’intéresse beaucoup à la
distinction entre l’orientation sexuelle et l’orientation romantique, à la
question du genre et aux couples très peu représentés dans les romances. Il est
rare de voir des relations mixtes (par la culture, la religion ou les
origines), des relations où la femme est plus âgée que son partenaire, des
relations BDSM où la femme est dominante, des relations avec l’un des
partenaires souffrant d’un handicap ou d’une maladie… Lorsqu’un roman ou
une fanfic aborde ces thèmes, je suis facilement tentée.
En dehors de la romance aussi, je trouve que c’est important
d’avoir cette diversité, notamment pour les enfants. Au-delà de pouvoir
s’identifier aux personnages pour les enfants qui ne rentreraient pas dans la
représentation « universelle », il y a aussi un enjeu d’éducation
pour ceux qui sont blancs, hétéros, cis, valides…
- Enfin, pour finir, parlons de rêves d'auteurs. Si vous
deviez avoir un rêve fou en terme d'écriture, un rêve que vous pensez
impossible à réaliser, lequel serait-ce ?
J’ai plein de réponses pour cette question ! Mais si je
ne dois choisir qu’un rêve, ce serait écrire un best-seller qui serait adapté
au cinéma (pas d’auteur, mais un vrai blockbuster à l’américaine).
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