- Bonjour Valéry. Peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas
?
Je suis une auteur issue de la fanfistion. J’ai très
longtemps écrit sur le fandom Naruto, et du Naruto x Sasuke plus précisément,
avant de me diversifier, autant en matière de genres (hétéro aussi, général
aussi…) qu’en matière de fandoms (et en m’orientant aussi vers les fictions
originales). Je suis aujourd’hui publiée chez divers éditeurs, notamment aux
éditions Harlequin, qui est mon éditeur principal.
- Tu es une auteur aussi bien de F/M que de M/M. Quels sont les points
communs et les différences entre les deux dans le processus d'écriture pour toi
?
Pour m’être amusée plusieurs fois à retravailler un
personnage en changeant son sexe, je dirais qu’il n’y a pas de différence
fondamentale entre les deux. La différence va venir vraiment du choix de type
de personnages, de sujets et/ou de relations que l’on va vouloir développer, en
fait. Pour prendre des exemples dans mes propres récits, à l’origine, j’avais
écrit ma novella BDSM « L’initiation de Claire » en M/M :
c’était un porn’ M/M qui marchait bien, mais qui restait plus limité par
rapport à l’envie que j’avais eue initialement d’écrire une histoire dans
lesquelles les lectrices pourraient se projeter concernant leur curiosité à
l’égard du BDSM. En le réécrivant en M/F, je suis allée au bout de cette envie en
écrivant, vraiment, l’histoire d’une femme allant au bout de cette
curiosité ; en M/M, ce parallèle était moins fort. Dans le M/M que j’ai
écrit sur le milieu du rugby, compte tenu du fonctionnement du milieu du sport,
une romance entre deux personnages appartenant à la même équipe professionnelle
n’aurait pas été possible en M/F : ce devait forcément être un rapport
homosexuel. Les sujets de l’homophobie et du coming out n’auraient pas pu être
abordés aussi. Dans mon dernier M/F, je me suis amusée à écrire une inversion
des rôles, avec l’héroïne qui drague ouvertement l’homme et cherche sans arrêt
à le faire craquer, et ce dernier qui est réticent. Si je l’avais écrit en M/M,
on aurait perdu tout ce côté jeu avec les genre et inversion des rôles.
C’aurait été moins drôle et les personnages auraient été moins intéressants
psychologiquement. Bref, certaines histoires peuvent être écrites dans un genre
comme dans l’autre, mais ce n’est pas le cas de toutes, et certaines histoires
sont plus intéressantes à être développées dans un genre plutôt que dans un
autre. Du coup, je ne me mets pas de barrières à ce sujet comme je le
faisais il y a longtemps quand je n’écrivais que du M/M : j’ai toujours, à la
base, une histoire que j’ai envie d’écrire, et le genre en découle, qu’il soit
M/M ou M/F.
- Tu as écrit pendant des années et des années des fanfictions, avant de te
tourner vers tes propres personnages. Qu'est-ce que tu appréciais dans les
fanfictions que tu ne retrouves pas dans les récits originaux ?
Je dirais l’extrême liberté du fait que, puisque de
toute façon une fanfiction ne sera jamais commercialisable, on puisse écrire tout
ce que l’on veut, sans attentes particulières, sans chercher à plaire à un
lectorat ou un autre, et les lecteurs sont très ouverts à ce sujet. D’ailleurs,
de nombreuses tendances devenues populaires depuis dans le milieu de l’édition
sont d’abord nées ou se sont d’abord développées dans la fanfiction, donc ça
montre bien l’ouverture qu’on peut y trouver. Et il y a aussi un aspect purement
ludique qui est formidable : on peut faire des parodies, on peut
transposer infiniment les personnages dans toutes sortes de situations, des
plus sérieuses aux plus farfelues, on peut faire des jeux d’écriture, il y a
une communauté extrêmement riche et très soudée… C’est sans limite, ça se fait
dans une ambiance de cohésion et d’entraide très forte et c’est vraiment ultra
agréable.
- Maintenant, la question inverse. Qu'est-ce que tu es ravie de ne plus
avoir dans le cadre de tes récits originaux, alors qui sont presque des
incontournables côté fanfiction ?
Hum… Je cherche mais je ne dirais pas de « ne
plus avoir » mais plutôt d’avoir « en plus ». Et là, je dirais
le plaisir de créer ses propres univers et personnages, bien sûr, mais aussi d’aller
plus dans la profondeur. C'est-à-dire que, dans une fanfiction, on se base
toujours sur des univers et des personnages que connaissent déjà les lecteurs,
et qui sont déjà aimés. En original, il faut faire tout ça soi-même :
apprendre à distiller les informations progressivement, aux bons moments,
apprendre à construire des personnages suffisamment complets et profonds pour
qu’ils puissent toucher les lecteurs, etc. Et c’est vraiment très intéressant à
faire. C’est un travail différent, difficile, qui pousse à chercher d’autres
ressources en soi en tant qu’auteur, à développer d’autres capacités et, à
l’arrivée, c’est extrêmement gratifiant.
- Avant, tu publiais sur des sites d'amateur où tu proposais déjà des
récits très qualitatif, maintenant tu es publiée par des maisons d'édition
professionnelles. Qu'est-ce qui change dans le fait d'être publié par une
structure professionnelle ? Est-ce que tu écris différemment ?
Je sais que tous les auteurs n’y accordent pas
forcément la même importance mais, pour moi, ce qui change vraiment, c’est le
fait de travailler avec des professionnels qui m’aident à m’améliorer dans ma
pratique de l’écriture, ainsi qu’à fournir un travail au mieux de ce que je
peux faire. Et puis, bien sûr, il y a aussi tout l’aspect très fun qu’on peut
trouver dans tous les à-côtés : la découverte des couvertures réalisées
sur ses histoires, du résumé et de la campagne promotionnelle qui en est fait,
l’immersion dans tout le fonctionnement éditorial, le suivi du devenir de ce
qui a été un manuscrit une fois pris en main par l’éditeur, les relations
auteur-éditeur, les salons, les relations avec les lectrices et blogueuses qui
sont vraiment ultra sympa aussi… C’est très chouette à vivre. Après, est-ce que
j’écris différemment ?… Je dirais oui et non. Au début, oui, j’ai stressé.
J’ai vu les codes, si forts, et les attentes si calibrées des lectrices… J’en
étais tellement éloignée et c’était tellement cloisonné pour moi que j’ai eu
peur, et j’ai essayé de modérer mon approche que je voyais déjà être
relativement originale par des petites concessions faites à ces schémas plus
répandus. Et, de manière très amusante, c’est à chaque fois sur ces petites
concessions que j’ai eu des critiques. Du coup, c’est vraiment génial parce que
ça m’a aidée à me libérer. J’ai toujours une certaine inquiétude quand je
soumets un texte que je sais n’être pas du tout dans les clous communs, mais jusqu’ici
c’est toujours bien passé et, finalement, j’ai l’impression de parvenir à faire
ma place avec mon approche personnelle, que les lectrices ont envie de ça,
aussi : de cet « autre chose », et ça c’est vraiment génial. En
tout cas, à l’heure actuelle, je tâche de ne pas me mettre de barrières.
La suite dans une semaine...
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